Vivre léger face à la critique
Je veux mieux recevoir la critique, mais ce n’est pas évident. Ce n’est pas forcément donné de faire un tri dans l’ensemble des critiques que nous recevons. Comme cela a été évoqué la semaine dernière, nous sommes donc bien souvent mal à l’aise face à la critique. D’ailleurs, j’ai bien pris soin de préciser que la critique était systématiquement contextuelle. Je vous ai d’ailleurs donné les éléments pour vous expliquer l’importance de l’accueillir comme telle. De ce fait, une critique décontextualisée se révèle forcément fausse, dissonante.
Passons à l’étage supérieur
Aujourd’hui, je voudrais poursuivre à un autre niveau. Je tiens à nous permettre de :
- Mieux comprendre les raisons pour lesquelles nous avons de la peine à recevoir les critiques.
- Vous donner les moyens de mieux les vivre
Découvrir que la critique est un fabuleux outil pour renforcer les liens peut paraître fou ! Pourtant, c’est bien réel. Qui sait, vos relations à venir les plus proches sont peut-être derrière le rideau de critiques que vous n’arrivez pas à accepter.
Notre apprentissage fondateur
Depuis notre tendre, enfance, dans notre cheminement de croissance, nous avons appris à observer la manière dont les autres vivent et font les choses. Notre attention a été particulièrement focalisée sur nos parents, sur leur manière de parler et de se comporter. C’est notre école de la vie.
En réalité, une des situations qui nous permet de mieux comprendre le fond de ce que je vais partager avec vous, c’est de vous visualiser enfant, dans vos couches, installé·e dans votre maxi-cosy ou tout autre siège enfant, en situation d’observation. C’est une réalité que vous viviez en quasi permanence pour une raison simple ; vous ne pouviez pas parler ou faire autre chose. L’essentiel de vos activités consistait à vous placer en posture d’écoute, d’observation, d’attention, de captation.
Vous étiez à l’affût des dires, des non-dits, des silences, des bruits, des sons, des tons de voix. Vous avez également observé les corrélations entre ces manières de fonctionner, et vous avez commencé à en tirer des déductions.
L’Étude du Dr Edward Tronick
Cela me rappelle justement une étude qui était menée en Laboratoire avec des enfants, et plus précisément, de très jeunes enfants.
Le Dr Tronick, Chef de Service d’une l’Unité de développement infantile et Professeur de Psychologie d’une Université du Wisconsin (co-auteur de «The power of discord»), avait demandé à un parent de se placer devant un enfant. Il s’agissait d’une mère. Quand l’enfant agitait les mains, changeait les mouvements de son visage, on a demandé à la mère de réagir d’une manière qui était considérée comme positive dans nos codes sociaux. Elle était donc invitée à être souriante, accueillante, joviale et à manifester de l’émerveillement. Elle pouvait également, à sa guise, ajouter des paroles d’encouragement.
On s’est rendu compte que plus le parent avait cette attitude manifestant la satisfaction et plus l’enfant manifestait l’envie de reproduire des signaux générant cette même attitude. Cela montrait que l’enfant avait été en mesure d’identifier des manifestations d’émotions, même s’il n’était pas en maîtrise complète de son corps, afin de les reproduire pour obtenir un résultat identique ou rapprochant. Comme le dit le Dr Tronick, à cet âge, «les enfants sont extrêmement sensibles » (traduction personnelle)
Regarder un extrait de l’expérience du Dr Tronick :
Ensuite, on a demandé aux parents de sortir de la pièce. On lui a donné de nouvelles consignes lui demandant de faire montre d’une certaine passivité face à l’activité et aux comportements de l’enfant.
Ce dernier, fort de l’expérience antérieure dans laquelle il manifestait des choses qui, selon lui, provoquaient des réactions chez son parent, se remettait à reproduire des signes issus de son attitude précédente. Seulement, la consigne ayant changé, l’enfant constatait la passivité et la neutralité de son parent. Il semblait troublé, devenait perplexe. Comme s’il avait le sentiment que la personne qui était en face de lui n’était pas la même que celle qui s’y trouvait antérieurement, quand tout allait bien, entre guillemets, qu’il y avait du répondant.
La juste croyance erronée 😉
Il est intéressant de comprendre que c’est ainsi que nous avons appris à interagir avec entourage. Nous avons commencé à interagir avec le verbe faire. En réalité, c’est quand l’enfant faisait que la réaction se produisait.
C’est quand nous faisions ceci, que nous faisions cela que nous voyions le monde évoluer d’une manière ou d’une autre. Nous avons donc développés la conviction profonde que ce qui se produit autour de nous et déterminé par ce que nous faisons.
Nous avions de bonnes notes à l’école ; nos parents étaient en pleine forme et souriants quand ils signaient le carnet de notes, c’était génial… Et même si nous ne le disions pas de manière consciente, c’était une manière, pour nous, de participer au bonheur de nos parents.
Et puis, si les notes étaient mauvaises, que nos parents, nous critiquaient, n’étaient pas contents ou nous punissaient, s’il se fâchaient, c’était une manière pour nous de participer aux malheurs de nos parents. Pourquoi un tel sens des responsabilités infantiles ?
La culpabilité infantile dans nos bagages d’adulte
C’est ce qui explique que, dans bien des foyers, quand il y a un divorce ou un désamour, les parents ont beau expliquer à leurs enfants qu’ils n’y sont pour rien sans grand succès. Ces derniers se sentent coupables malgré tout. Ils restent convaincus que le choix du parent est déterminé ou co-déterminé par leur attitude, par leur faire d’enfant.
Voilà pourquoi, en tant que parents, nous avons besoin de veiller à ce que nos enfants comprennent qu’ils ne sont en rien responsables de nos choix. Nous avons à chercher à faire en sorte que cette compréhension dépasse le plan cognitif afin qu’elle soit intégrée au quotidien. Faire comprendre à l’enfant que ce qui se passe n’a rien à voir avec ses actes d’enfant, ni avec ses manières de faire, ni avec ce qu’il n’a pas fait ou qu’il aurait dû faire. Il s’agit de choix d’adultes.
En agissant ainsi, nous limitons, sans aucune garantie de l’éviter, le risque de culpabilité de l’enfant. D’autant que la culpabilité est le terreau le plus souvent entretenu par la critique. On se sent coupable de ne pas avoir été à la hauteur. On se sent coupable de ne pas avoir répondu aux attentes. De la même manière, on peut sentir triste, honteux ou coupable parce que l’on a été critiqué. Tout cela est relatif au faire.
La seconde croyance impactante
Et nous avons besoin de nous arrêter sur un deuxième élément factoriel lié à ce fonctionnement premier que je viens d’évoquer. En effet, dans nos croyances :
- Si l’on veut se sauver d’une situation, c’est notre choix d’action qui nous sauvera.
- Si l’on veut avoir du succès dans une situation, c’est notre choix d’action qui nous permettra d’être vainqueurs.
Vous comprenez la raison pour laquelle la sphère du faire est aussi considérable dans notre vie.
En regardant quelqu’un agir, nous pouvons en arriver à la conclusion qu’il est brillant, nul, excellent, minable, magnifique, admirable, détestable ou adorable ! Ces conclusions, nous viennent à partir d’une lecture du faire, uniquement ! C’est maigre, n’est-ce pas ?
Vous comprenez que dans ce fonctionnement, nous sommes en déconnexion, quasi complète, avec l’être. Car il apparaît évident que nous ne savons pas vraiment qui est cette personne.
Adolf Hitler en «exemple»
Dans un Podcasts publié il y a quelques mois, j’avais déjà pris l’exemple de Adolf Hitler. Il a eu des actions hautement condamnables et qui le seront jusqu’à la fin des temps. Ceci étant, si l’on interroge ses enfants, son conjoint, ses amis proches, ils pourront nous signaler des défauts sur Adolf Hitler, certes. En même temps, ils témoigneront sans doute d’un homme sensible, attentif, artiste, brillant, doué, intelligent, à l’écoute, aimant et bienveillant.
Il nous importe d’entendre qu’il nous est difficile de percevoir cette dissonance entre l’image de l’homme que nous avons et le témoignage de ses proches. Ce qui nous est rendu difficile, c’est que, au fond de nous se trouve une loi qui nous dit que « les actes parlent plus fort que la personne ». Et c’est comme ça dans notre environnement tout entier.
Pourquoi le faire l’emporte-t-il aussi aisément ?
Regardez les gens que vous détestez, ceux que vous ne pouvez pas supporter. Pourquoi est-ce ainsi ? ? Parce qu’ils sont où parce qu’ils ont fait certaines choses ? Quand vous vous rendez compte que vous êtes jugeant·e (au sens péjoratif, condamnable) avec vous-même, c’est parce que vous êtes où parce que vous avez fait quelque chose ?
Quand vous vous flagellez, que vous vous dites, « je suis minable, je suis con·ne, je suis nul·e, je n’y arriverai jamais, je ne suis pas à la hauteur… », fondez-vous votre jugement sur votre être ou sur votre faire ? J’entends bien que certains disent « c’est une manière de parler, mais je n’y crois pas. Je dis ça comme ça ! ». Seulement, si vous pensez qu’il ne s’agit que d’une façon de parler, c’est que vous avez une méconnaissance considérable du fonctionnement du cerveau humain.
En effet, quand le cerveau est nourri d’une chose à répétition, il produira ce qui correspond à ce qu’il visualise. Par conséquent, si vous vous voyez nul·le, minable et incapable en permanence, vous serez nul·le, minable et incapable dans votre manière de faire. Cela peut également avoir un impact sur l’être si vous inscrivez cette manière d’agir dans la durée.
À l’inverse, si vous vous voyez brillant·e, compétent·e, capable de saisir des opportunités, en mesure d’arriver à vivre le succès, cela aura un impact sur votre manière d’être. Vous aurez de plus en plus une imprégnation d’être qui fera montre de ces capacités-là.
Une limite commune à toute l’humanité
Une des limites de l’humain est qu’il n’est pas capable d’identifier l’être. Il ne sait lire que le faire. En effet, seule la lecture du faire lui est accessible.
Quelqu’un assis sur un canapé, les yeux fermés, avec un casque sur les oreilles, ne montre rien de qui il est. On ne sait pas lire cette attitude-là. D’autant plus qu’on ne sait pas quelle musique il écoute. On le suppose immergé dans son écoute. On créera cette supposition à partir de qui l’on est soi-même quand on se retrouve assis sur un canapé à écouter de la musique.
En conséquence, si cette personne se trouve apaisée, selon notre capacité à lire son attitude à partir de notre propre expérience, on pourrait supposer qu’elle écoute une musique apaisante. Il suffirait de lui demander de partager un peu de son écoute avec nous pour constater que l’on était sans doute à côté de son expérience à elle.
Si nous avions supposé qu’elle écoutait une œuvre de Brahms ou un slow de je ne sais quel artiste, on pourrait être très surpris·e d’entendre qu’elle écoutait du métal dont voici un exemple en lien. Surtout si la musique métal ne nous apaise pas du tout ! Comment peut-elle apaiser quelqu’un ? Se demandera-t-on. Pourtant, c’est possible, parce que ce n’est pas vous. Cette personne est apaisée à l’écoute de cette musique, un point, c’est tout. Et cela s’explique parce que, dans son chemin de vie, cette musique, décode ou code, un apaisement.
Le faire restera au centre de la critique ad vitam aeternam
Nous avons à prendre conscience que, dans notre critique, nous focalisons notre attention sur le faire parce que nous sommes construits ainsi. Dans le même temps, il est parfois possible que nous ayons raison. De plus, il est également possible que les personnes qui nous critiquent aient aussi raison, sans pour autant que ce soit systématiquement juste (j’entends bien le paradoxe apparent, soyez rassuré. Et en ce sens, nous savons qu’il n’est pas possible pour ces personnes-là d’avoir accès à notre être.
Dans le livre «Trois amis en quête de sagesse », dans lequel un moine tibétain, un philosophe et un psychiatre parlent de l’essentiel, j’aime l’expérience présentée par Matthieu Ricard. Il dit que, quand il entre dans le métro et qu’il entend des jeunes rires de sa tenue de moine tibétain, il se dit en lui-même savoir que ces jeunes ne voient qu’une parcelle d’un des aspects de qui il est.
Mais plus encore, il aurait pu mentionner que ces personnes ne voient que du faire. Elles ne savent rien de qui il est réellement, de son être intérieur profond. Les critiques, les rires ou les sourires ne se fondent que sur une apparence attachée à une tenue vestimentaire. Or, la tenue vestimentaire est une manière de faire, de faire corps, de signifier, une appartenance sociale, familiale, culturelle, professionnelle, politique… Nos tenues n’ont rien à voir avec notre être, ou du moins, bien moins qu’on le pense soi-même quand on s’habille le matin !
On peut être tellement le même avec des tenues vestimentaires différentes et variées ! Vous le saviez, n’est-ce pas ? On peut s’habiller en fonction de ce que l’on veut vivre à ce moment-là, et des raisons pour lesquelles on veut le vivre. À cela, on peut ajouter les personnes avec lesquelles on vivra l’expérience.
Comment mieux vivre la critique ?
L’acceptation de sa propre limitation de lecture de l’autre, sur notre être, est considérablement impactante. Elle est prépondérante pour mieux vivre la critique. Je sais que quelqu’un qui me critique ne sait rien de qui je suis où en sait si peu. Même s’il s’agit de mon père, de ma mère, de mon frère, de ma sœur, etc. Certes, nous avons vécu ensemble, mais je sais que mes parents et ma fratrie ignorent beaucoup de qui je suis. De la même manière, j’ignore beaucoup de qui ils sont. En effet, je ne peux lire et recevoir que ce qu’ils me donnent de lire d’eux-mêmes.
C’est peut-être une des raisons pour lesquelles on peut être très surpris·e par certaines attitudes. Ainsi, dans la à deux, j’aime à nourrir l’importance que mon conjoint n’est pas le même (dans son être) que l’enfant de ses parents. C’est parents ne peuvent pas le voir comme je le vois. L’expérience que mon conjoint me donne à vivre dans la relation avec lui n’a jamais été en mesure d’être comparée avec la relation des parents avec leur enfant qui s’est mariée avec moi.
Une saine distance avec la critique reçue
Intégrer cette réalité nous permet de prendre la distance avec la formulation de nos critiques. Qu’il s’agisse des critiques émises ou reçues. Je prendrai l’angle de la critique reçue, pour commencer.
Quelqu’un parle mal de moi. J’entends donc que, même si la formulation touche à mon être « tu es comme ceci, et tu es comme cela… », je sais qu’il ne peut pas toucher à mon être, puisqu’il ignore quasiment tout de qui je suis. Cela reste valable même quand il s’agit de mon parent.
J’ai été comme cela, certes, seulement, aujourd’hui, je ne suis pas le même et, demain, je changerai encore. Cela se verra peut-être sur ma manière de faire si l’occasion m’était donnée de manifester autrement ce que j’ai manifesté jusqu’alors. Seulement, on peut l’ignorer.
Intégrer qu’une critique touche au faire et, quasiment jamais à l’être, est une manière de se libérer du poids que l’on pourrait donner à une critique. La personne qui me parle, qui critique ce que je fais vise mon faire. Elle ne touche pas à moi, à ma personne en tant qu’être.
D’ailleurs, dans des articles précédents, j’ai pris soin d’écrire que « Vous n’êtes pas ce que vous faites ». Ceci étant, peut-être qu’un jour vous pourrez devenir ce que vous faites. Pour cela, il faudrait que vous ayez manifesté maintes et maintes fois pendant une durée importante des actions reproduites, au point de les incarner. Ainsi, elles deviendront automatiques, sans que vous ayez à penser.
Vous ne pouvez être une cible accessible
En même temps, cela conserve une certaine limite. En effet, quand vous êtes au volant, vous n’êtes pas systématiquement conscient·e d’être en troisième ou en quatrième. Vous fonctionnez de manière automatique, tout en restant vous-même, en tant que personne, sans être réduit·e à l’image d’un conducteur.
Vous conduisez sans penser à tous les détails de la conduite. Mais rien ne fera de vous un conducteur dans son essence. Vous voyez que, même la limite de la répétition de l’action reste à entendre. Pourtant, nous avons tendance à vouloir étiqueter, enfermer parce que nous en avons besoin pour apprendre à lire ce qui se passe autour de nous. C’est aussi important de comprendre cela.
Quand on met une étiquette, que l’on critique, cela veut dire que l’on a lu quelque chose et qu’on se sent plus à l’aise parce qu’on sait le lire. Quel inconfort de se retrouver dans un magasin situé dans un pays dont on ne connaît pas la langue !
Moi-même, je me trouvais aux Etat-Unis, à chercher du charbon activé en pharmacie. Je ne savais pas comment le dire en anglais. Les étiquettes que je lisais ne correspondaient pas du tout à ce que je comprenais. J’ai donc essayé de m’exprimer auprès du pharmacien, en disant que je cherchais some carbonna, or carbon… C’était drôle de voir le pharmacien me regarder avec de grands yeux, sans rien comprendre ce que je lui demandais.
Il cherchait tant bien que mal à comprendre ce que je voulais bien vouloir dire. Tout à coup, il sembla percevoir ma demande et me dit, avec un délicieux accent géorgien « activated charcoal ?». Difficile n’est-ce pas ? Comme il est difficile de lire ce que l’on ne sait pas lire. On ne sait lire que ce que l’on a déjà expérimenté dans le passé et que l’on peut utiliser dans le présent pour re-connaitre (sur le plan étymologique) une situation.
Une saine distance avec la critique émise
On peut prendre une grande bouffée d’air frais et se dire « Ah ! En fait, quand je critique quelqu’un, je suis forcément à côté de mes pompes si je vise son être. Je ne peux voir que ce qu’il fait, et encore, une mince partie, en fait. Je ne peux voir que la partie de ce qu’il fait qu’il me donne à voir ! Le reste, je ne veux pas le savoir. Je ne suis pas dans son intimité ».
Et même si je suis invité·e dans l’intimité d’une personne, je reste conscient·e que cette personne ne me délivre qu’une partie de ce qu’elle est, dans son faire. Malgré tout, je reste dans l’incapacité de la préhension, dans la démaîtrise de cet être qui se trouve lui-même dépassé par sa propre personne.
Il importe également de rappeler, comme je l’ai dit la semaine dernière, que le vivant est systématiquement contextuel. Il n’existe pas de vie non-contextuelle. Par conséquent, l’humain manifestant son vivant est forcément contextuel. Mais j’intègre également aujourd’hui que, le savoir-faire est forcément contextuel. Parce que 100 % de votre savoir-faire dans un domaine peut se retrouver à 10 % dans un domaine qui n’est pas celui que vous maîtrisez. Cette perte de savoir-faire peut également se manifester dans un milieu dans lequel vous n’êtes pas à l’aise pour pratiquer votre savoir-faire. C’est 100% contextuel, n’est-ce pas ?
Votre savoir-faire peut se trouver amoindri par trop d’humidité, trop ou pas assez de chaleur ou de froid. Vous pouvez vous trouver en difficulté à cause de paramètres inconscients et imperceptibles. Par conséquent, vous pouvez vous retrouver à ne pas maîtriser une chose uniquement parce que vous êtes en dehors de votre contexte habituel, que l’on peut appeler «zone de confort habituelle». Il devient donc plus difficile de critiquer et, même de s’auto-critiquer avec justesse.
En ce sens, je pense qu’il est temps d’accueillir de la bienveillance. De la bienveillance envers les personnes qui nous critiquent comme envers les personnes que nous avons tendance à critiquer.
Le deuxième accord toltèque invoqué
Je voudrais terminer ce podcast avec un dernier aspect. Ce dernier est partiellement illustré par une des paroles de Don Miguel Ruiz dans «Les quatre accords toltèques ». Il dit « Quoi qu’il arrive, n’en faites pas une affaire personnelle ». Quelle invitation libératrice !
Comment intégrer cela pour la critique ? Est-ce à dire que, si quelqu’un me dit, « Pascal, ton podcast d’aujourd’hui m’a paru trop ceci et trop cela. Tu n’as pas assez évoqué ceci et pas assez cela » je devrais bien l’accueillir ? Que puis-je en faire ?
Quand on accueille ce genre de critique de manière positive, en général, on dira « j’entends et te remercie. Ça me fait plaisir que… ». Ainsi, en accueillant la critique, on va se servir, y voir un côté utile. Par contre, si elle me parait négative, je risque de dire « quand même, tu es dur·e avec moi ! ». (Je reviendrai dans quelques instants, sur la manière dont on peut l’utiliser). Seulement, dans les deux cas, suivant l’invitation formulée par Don Miguel Ruiz, j’encourage à ne pas en faire une affaire personnelle, quoi qu’il arrive, quoi que la personne vous dise.
Utiliser la critique comme un révélateur de l’autre
Pour aller un peu plus loin, je suggère vivement d’intégrer un changement d’angle. C’est-à-dire d’accepter qu’en fait, quand une personne me dit quelque chose, elle ne me parle pas de moi ou de ce que j’ai fait, mais d’elle, de sa lecture sur mon action. Je ne m’arrête donc plus sur le fait de critiquer mon être ou mon faire. A la rigueur, si elle le voulait, cette personne ne pourrait critiquer que mon action (faire). Or, en émettant sa critique, elle ne met en évidence que ce qu’elle sait lire de mon action.
L’illustration instructive : le harpiste
Imaginez que je me retrouve dans un pays dans lequel certains instruments de musique n’existent pas. Ses habitants n’ont pas eu accès à des pages culturelles leur permettant de prendre connaissance de l’existence de la harpe. Imaginez ; si je prenais un tabouret, que je m’asseyais et, dans le cadre d’un spectacle, je me mettais à mimer un jeu de harpiste. Les personnes qui me regarderaient, n’ayant jamais entendu parler ou vu une harpe, trouveraient que mon mime (mon action) n’avait aucun sens.
Ils pourraient alors critiquer mon jeu insensé, mon mime qui n’a pas de pertinence et qui ne ressemble à rien. Pourquoi cela ? Parce qu’ils n’auraient pas la grille de lecture pour lire mon mime. Ils seraient donc en train de me parler, non pas de ce que j’ai mimé, mais de leurs limites quant à leur capacité à lire mon action (faire) insensée et pleine de sens à la fois.
Les humains sont bardés de limites
Quand quelqu’un critique mon action, il me parle de sa limite à intégrer, à lire mon action. Il me parle donc de lui-même. Et même quand il me dit quelque chose de très agréable à entendre, comme « vraiment, je trouve que ton podcast est très éclairant et je me régale. J’apprends beaucoup de choses ». Cela veut dire que la personne me parle d’elle, pas de mon podcast. Elle pourrait me dire « je trouve que ton podcast est minable. Vraiment, tu pourrais vulgariser davantage certains concepts que je trouve hermétiques. Je n’y comprends rien ». En ce sens, la personne me parle encore d’elle, pas du podcast.
Exercices en situation
Quand vous entendez :
- « Vraiment, je te trouve vraiment élégant aujourd’hui »
- « Je me régale avec ton plat, qu’est-ce qu’il est bon ! »
- « Ta voiture est top, elle envoie, elle en jette. »
- « Tu t’es habillé comme un sac »
- « Comment fais-tu pour rouler dans une voiture comme celle-là ? Ça ne s’appelle pas une voiture, c’est une boîte. Tu ne pourrais pas t’acheter une vraie voiture un jour ? »
- « Peut-être que tu as fait un effort pour ton plat, mais je me demande si mon chien accepterait de le manger, si je le lui donnais »
Intégrez le fait que la personne a parle d’elle, qu’elle émette une critique négative ou positive. Dans les deux cas, comment faire pour accueillir ce qui est formulée ? En posant des questions. Face aux phrases suivantes, voici les questions qui peuvent être posée :
Exemple 1 :
- « Vraiment, je te trouve vraiment élégant aujourd’hui »
Question possible : « Ah bon ! Qu’est-ce qui fait que tu me trouves élégant ?
Vous voyez que j’invite la personne à continuer à parler d’elle. Pas à parler de moi !
Supposant que sa réponse soit : « Je trouve que la coordination de tes vêtements entre le haut et le bas te vont très bien. J’aime beaucoup ta silhouette qui est mise en évidence… ».
Au fond de moi, je pourrais penser « j’apprends donc de toi que tu aimes des silhouettes comme les miennes, et les coordonnées comme ceci et comme cela… ».
Exemple 2 :
- « Je me régale avec ton plat, qu’est-ce qu’il est bon ! »
Question possible : « Qu’est-ce qui ne te plaît pas dans ce plat ?»
Finalement, je verbalise le fait que tu me parles de toi, pas du plat. Ça se matérialise dans le « qu’est-ce qui ne TE plaît pas », ou « qu’est-ce qu’il fait que TU es mal à l’aise ? ».
La conclusion résumée
Ma capacité à faire preuve de distance, qui fait que je n’en fais pas une affaire personnelle, est que :
- Je comprends que la personne ne peut me critiquer en tant qu’être, mais uniquement dans le faire. Cela lui est impossible étant donné qu’elle ne peut pas lire mon être.
- De plus, elle ne peut lire le faire qu’à partir d’une grille qui lui est limitée, puisqu’elle ne peut dire que la surface du faire, étant privée de l’intention.
- Je me permets donc d’être bienveillant·e avec moi comme avec cette personne.
- Ainsi, je peux l’écouter.
- Mieux encore, je peux lui tendre un tapis, comme cela a été le cas plus haut, en l’incitant à continuer à exprimer sa pensée, son ressenti, son vécu.
- Elle peut donc librement s’ouvrir à moi, communiquer avec moi (ce qui sous-entend faire un, s’unir).
- Finalement, je prends conscience que la critique peut être utilisée comme un moyen de nous rapprocher l’un de l’autre, au lieu de nous battre.
Cela évite les « mais, tu te prends pour qui ? C’est quoi ton truc, ton problème ? ».
On ira davantage dans une direction accueillant la critique. Elle ressemblera à des pensées (non verbalisées) de type : « je te remercie pour ton retour, sachant que j’aimerais apprendre davantage de toi. Pas forcément pour progresser, même si ça reste possible, mais pour créer du lien ».
Cela intègre l’idée que je ne peux pas plaire à tout le monde, au passage. Il est donc normal qu’on me critique, évidemment.
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne semaine.
Bye-bye.
Tellement de révélations dans cet article.
Rien qu’en lisant les accords Toltèques cela remet en question nos croyances limitantes.
Un gros travail au quotidien à faire!
Caroline, merci pour ton retour « critique » 😉
Oui, les accords toltèques peuvent être très aidant. Reste à savoir les intégrer pour les pratiquer car la lecture est largement insuffisante.
Je te souhaite un beau parcours de pratique de ces richesses
Je suis tout à fait d’accord avec toi ! Accepter les critiques nous fait avancer ! Merci 🙂
En fait, Carine, ce n’est pas le fait de les recevoir qui nous fait avancer. C’est le fait de les accueillir. Vois-tu la différence ?
De toutes façons, je l’aborderai dans le podcast du 23 décembre. Patience
Merci d’avoir lu (ou écouté en podcast) ce sujet passionnant